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Page:Pierre de Coubertin - Hohrod - Roman d'un Rallié, 1902.djvu/48

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le roman d’un rallié

C’est ainsi qu’Étienne se figurait les États-Unis avant de les connaître. Combien il enviait les fils de ce pays, lui dont la vie physique avait été si douce — trop douce peut-être — et dont la vie morale était devenue si pénible, si troublée. Mais aussi, pourquoi différait-il de ceux de son âge et de son milieu ? Pourquoi se sentait-il isolé parmi eux ? Le sort s’était montré cruel envers lui. S’il avait eu des frères, des sœurs, des cousins, beaucoup de petits camarades pour partager ses jeux, le rêve n’eut pas pris sur lui un pareil empire, n’eût pas marqué son existence de cette empreinte indélébile. Il était parfois tenté de maudire sa fortune, son rang et même sa province, cette Bretagne tant aimée… En somme, il souffrait au plus haut point du mal celtique, de cette lutte sourde que se livrent dans l’âme Celte l’insouciance et l’inquiétude, l’incertitude et la tenacité. Une fée jalouse a jeté jadis dans le berceau de ce peuple les dons contradictoires qui le tourmenteront à jamais. Le Breton poursuit son rêve et l’abandonne quand il va devenir réalité. Le Breton sonne la charge et bat en retraite quand