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pédagogie sportive

point, constitue probablement le prototype le plus parfait de la coopération humaine : coopération volontaire, dépourvue de sanction, basée sur le désintéressement — et, pourtant, solide et savamment « articulée » en toutes ses parties[1].

La coopération sportive possède des caractères qui font d’elle une sorte d’école préparatoire à la Démocratie. En effet l’État démocratique ne peut vivre et prospérer sans ce mélange d’entr’aide et de concurrence qui est le fondement même de la société sportive et la condition première de sa prospérité. Point d’entr’aide et l’on verse dans un individualisme brutal qui mène à l’anarchie ; point de concurrence et c’est l’affaiblissement des énergies conduisant à la somnolence collective et à l’abdication. Toute l’histoire des démocraties est faite de la recherche et de la perte de cet équilibre essentiel et aussi instable qu’essentiel. Mais quelle est, en pédagogie, l’institution capable d’y préparer d’une façon directe ? On s’efforcerait vainement de la trouver en dehors du sport.

Même observation pour ce qui concerne l’égalité. La coopération sportive fait bon marché des distinctions sociales. Les titres de noblesse ni les titres de rentes qu’il possède n’ajoutent quoi que ce soit à la valeur sportive de l’individu. Mais, d’autre part, si les démarcations établies par les hommes en sont exclues, on ne saurait badiner dans les groupements de sport, avec les distinctions imposées par l’inexorable nature. Sans doute (et c’est là ce qu’il y a de supérieurement moral dans l’entraînement) la volonté

  1. Voir la remarquable étude rédigée sur ce sujet pour le Congrès de Psychologie sportive tenu à Lausanne en 1913 par M. Louis Dedet, directeur du Collège de Normandie.