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histoire des exercices sportifs

ils sont en proie à la plus affreuse brutalité. L’alcool et le jeu y règnent souverainement[1]. C’est alors que surgissent le chanoine Kingsley et ses « muscular Christians » en réaction absolue, physique et morale, contre la dépravation du jour. Ils ne prêchent que par l’exemple, ne parlant pas mais trop vigoureux pour ne pas se faire respecter. On se moque d’eux par derrière ; ils n’en ont cure et leur sportivité si saine commence à leur gagner des adhérents dans les universités[2]. L’aviron en bénéficie grandement. La fameuse course Oxford-Cambridge qui vient de naître attire du monde. Une furieuse campagne de presse éclate. À quoi pensent ces gens ? Ils vont abaisser le niveau des études, dénationaliser la jeunesse et la démoraliser… Cependant un clergyman inconnu a pris la direction du Collège de Rugby. Thomas Arnold a peu de temps devant lui : une mort prématurée l’enlèvera au bout de quatorze ans (1828-1842) mais ce délai lui suffit à transformer la mentalité des professeurs et des élèves ; il ne laissera aucun écrit sinon des lettres et des sermons mais il créera la cellule de la rénovation britannique, l’institution dont l’influence va opérer comme une sorte de radium, obligeant de proche en proche les plus rebelles à imiter ce qui s’y passe.

Or la pédagogie arnoldienne a le sport comme rouage central, non qu’il y empiète sur les études ou pré-

  1. Cet état de choses se reflète dans les souvenirs d’adolescence de maints écrivains notoires, mais j’ai tenu en 1888 à en faire l’objet d’une longue conversation avec le plus illustre d’entre eux, W. E. Gladstone. Le « grand old man » me confirma et au delà tout ce que j’avance ici.
  2. Le premier Athletic Club fut fondé à Exeter College,