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souvenirs d’amérique et de grèce.

les Grecs allaient faire à Olympie. Les savants avaient beau connaître par le menu le programme et l’histoire des Jeux et jusqu’aux règlements sous lesquels ils se donnaient, on n’en était guère plus avancé. Ils fournissaient force détails sur l’institution, mais on sentait qu’ils en ignoraient la vraie portée, le centre Les plus sincères trahissaient quelque mauvaise humeur contre ce peuple créateur de la beauté, épris de poésie, de rêve et d’harmonie et qui, périodiquement, inclinait devant une royauté musculaire tous ces dons divins. Du fait qu’à l’époque des jeux, l’élite du monde grec se trouvait assemblée sur les rives de l’Alphée — les artistes pour y faire voir leurs compositions, les poètes et les historiens pour y lire leurs œuvres, les diplomates pour y conduire leurs négociations, — ils auraient voulu conclure que le sport servait de prétexte et tenait, en réalité, un rang secondaire. Mais on ne saurait s’y tromper ; ambassadeurs, écrivains, peintres, sculpteurs n’étaient là que pour faire cortège aux athlètes ; ce qui fixait tous les regards, ce n’était pas l’Agora, c’était le Stade. Pendant les concours l’autel de Zeus lui-même se trouvait délaissé ; sacrifices, processions, cérémonies pieuses constituaient l’encadrement conçu pour augmenter la majesté du spectacle. La prédominance de l’athlète s’inscrivait partout. C’est lui qui voyait s’élever sa statue sous les platanes des avenues, lui dont on immortalisait le nom en le gravant sur l’airain, lui qui faisait dans sa ville natale une rentrée de triomphateur par la brèche ouverte dans les murs. Folie populaire, a-t-on dit, enthousiasme frivole ! Mais cette folie, cet enthou-