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souvenirs d’amérique et de grèce.

taient, boxaient, lançaient le disque et le javelot. Qui le croira ? Il suffit d’y songer un instant pour juger l’explication à sa valeur. Nous éprouvons une jouissance esthétique à considérer le Discobole et les quelques chefs-d’œuvre que le temps a épargnés. Est-ce à dire que nous les prenons pour des reproductions exactes de la nature ? Allons-nous croire naïvement que les Grecs étaient ainsi lorsqu’ils se livraient à leurs exercices de force et d’adresse ? Pensons-nous que la sueur s’abstenait de couler sur leur chair, que les traits de leur visage ne se contractaient pas durement, que l’entraînement localisé n’avait pas grossi exagérément certains de leurs muscles ? L’athlète n’est jamais beau ; pour l’être, il faudrait qu’il pût raisonner ses mouvements, surveiller ses attitudes et alors ce ne serait pas un véritable athlète puisqu’un peu de son attention, de sa force par conséquent, serait détourné de l’effort à accomplir. Ce que l’on admire en lui, ce sont l’ambition et la volonté ; ambition de faire plus que les autres, volonté d’y parvenir. Rien n’est enthousiasmant comme l’emballage final d’une course à l’aviron, ou le coup droit brusquement poussé par l’escrimeur sur la poitrine de son adversaire : mais ce spectacle est enthousiasmant, par réflexion, pour ceux qui savent ce qu’il a fallu au rameur de poignante énergie, au tireur de calme et de possession de soi-même ; les autres ne comprennent pas : ils admirent de confiance. Tout l’athlétisme tient en ces trois mots que le Père Didon donna une fois pour devise sportive aux élèves de son école, à l’issue d’une partie de