Aller au contenu

Page:Pierre de Coubertin - Souvenirs d Amerique et de Grece, 1897.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
souvenirs d’amérique et de grèce.

L’antiquité reste toujours légendaire ; nous avons peine à y croire. Il n’est pas donné à tous de venir ici prendre contact avec elle et entrevoir sa réalité sublime. Mais nous devons, autant qu’il est en nous, réagir contre cette tendance mauvaise à transformer le recul des âges en un décor de théâtre où les lointains sont simulés pour mieux accentuer le relief des premiers plans.

Si je vivais au temps de Périclès, je crois que j’aimerais l’Acropole ainsi, par un beau matin d’automne, hors de la pompe des grandes processions, dans le calme et la demi-solitude. Au lieu de ces trois Anglais qui, là-bas, se choisissent des presse-papiers parmi les débris de marbre, j’aurais sous les yeux la pure silhouette des jeunes Athéniennes faisant le service de Pallas. Quelque sacrifice isolé enverrait vers l’azur une fumée discrète, et sur la façade du temple, entre les métopes enluminées, les boucliers des Perses, glorieux trophée, scintilleraient au soleil

Il y a un des angles de l’Acropole d’où le regard et la pensée réalisent d’un coup d’œil la résurrection de la Grèce. La haute muraille, en cet endroit, domine le vide. Le Lycabète dresse tout en face son profil roux et, sur la gauche, par delà les monts déboisés, on aperçoit la sombre verdure des bois de Tatoï. Au pied du rocher, Athènes est groupée, vivante, gracieuse et jeune ; il s’en dégage une impression de blancheur aveuglante, et bien rares