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souvenirs d’amérique et de grèce.

commerce, ils s’en étaient allés prêcher la révolte partout où il y avait du sang ou de l’or prêts à se répandre pour la délivrance de la patrie : et derrière eux ils laissaient comme mot d’ordre ce dilemme que tous acceptaient : la liberté ou la mort.

Le 24 mai 1821 la Grèce nouvelle cueillait à Valtetzi ses premiers lauriers et, bientôt après, Colocotronis s’emparait de Tripolitza. En Europe, les âmes libérales s’émurent : mais on en était à une période de réaction contre les idées émancipatrices de la Révolution française ; les rois n’ambitionnaient d’autre rôle que celui de gendarmes de leurs peuples et le seul mot de révolte les faisait trembler. Les Autrichiens ravitaillaient les Turcs ; le lord commissaire des Sept-Îles persécuta les Ioniens qui se déclaraient pour leurs frères hellènes. En France, M. de Villèle demandait sottement « quel grand intérêt on pouvait prendre à cette localité », et M. de Salaberry, très grave, publiait de grotesques considérations sur la légitimité du joug ottoman. Si les dévouements individuels d’un Santa Rosa, d’un Fabvier, d’un Lord Byron consolaient les Grecs et entretenaient leurs courages, cette indifférence ou cette hostilité de l’Europe officielle leur causaient de cruelles déceptions.

Ils ne se résignaient pas à y croire et multipliaient leurs appels. Au Congrès de Vienne, ils avaient envoyé une mission qui fut indignement traitée. « Le Congrès ne voulut même pas recevoir la supplique que les représentants des révoltés avaient l’impertinence de lui soumettre. Il leur fut interdit d’entrer