Page:Pierre de Coubertin - Souvenirs d Amerique et de Grece, 1897.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
132
souvenirs d’amérique et de grèce

dans l’esprit des Grecs, à la mutilation de leur patrie et à l’abandon de ceux de leurs frères qui, ayant combattu avec eux pour l’affranchissement national, s’en voyaient maintenant exclus ». — « L’exclusion de la Crète, écrivait-il encore, estropie l’État grec physiquement et moralement ; elle le rend faible et l’appauvrit. »

C’est alors que le 13 février 1833, sur la proposition de la France, le prince Othon de Bavière, fils du roi Louis, fut élu au trône hellène ; il s’en vint régner « sur un pays condamné d’avance à s’épuiser dans les efforts d’une expansion inévitable qui ne pouvait qu’entraver l’œuvre de son développement intérieur».

Depuis ce jour, l’Europe a trahi les espérances hellènes en toute circonstance. Elle a vu les Crétois s’insurger contre la tyrannie ottomane, une première fois en 1840, une seconde fois de 1866 à 1868, et sur eux elle a laissé retomber le joug barbare et pesant de l’Islam. De 1854 à 1857, la France, installée militairement au Pirée, a comprimé des élans russophiles qui gênaient sa politique d’aventures. Pendant la guerre turco-russe de 1877, Coumoundouros n’a osé qu’une démonstration tardive et discrète et on ne lui a su aucun gré de sa sagesse ; lorsque le Congrès de Berlin eut enfin sanctionné l’abandon à la Grèce de la Thessalie et d’une moitié de l’Épire, l’obstination turque s’exerça si bien que la décision du tribunal européen ne fut pas exécutée et de guerre