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Page:Pierre de Coubertin - Souvenirs d Amerique et de Grece, 1897.djvu/178

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kerkyra.

ne parviennent à en faire quelque chose de vil, de matériel, de mercantile. Tout un peuple s’incline devant le patriarche qui annonce aux princes de la maison royale la grande nouvelle de la résurrection du Christ, et tous sentent en effet le souffle de l’existence renouvelée passer sur la Grèce. Car ce culte est avant tout national. La semaine sainte a revêtu au pied de l’Acropole un caractère symbolique. La Passion du Christ s’efface devant la Passion de la Grèce. C’est elle dont on commémore les longues souffrances, la descente au tombeau, puis le triomphe sur la mort et la résurrection glorieuse.

Pour sentir ces choses si vivement, il faut être au centre, là où se forme le circuit artériel du sang national. Kerkyra a souffert, sans doute, mais son perpétuel sourire adoucissait ses vainqueurs, et ses souffrances ne s’exaspéraient point comme celles des Hellènes soumis au joug turc. Aussi la religion ici et là diffère-t-elle du tout au tout.

Ces processions fournissent aux femmes l’occasion de faire prendre l’air à leurs resplendissantes toilettes ; l’occasion est rare, parce que les hommes sont extrêmement jaloux. On le comprend à voir le type séduisant, fin et distingué des campagnardes de Kerkyra, leurs beaux yeux pleins de flammes, la grâce de leur démarche, la pureté de leur profil. Dans certains villages presque toutes sont jolies, mais leur costume de cérémonie gâte singulièrement l’œuvre de la nature. Couvertes de lourdes étoffes aux rayures voyantes, aux plis somptueux, que n’allègent pas les