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kerkyra.

de paresseux bouquets qu’elles vendent aux visiteurs, lesquels payent le regard et le sourire et dédaignent les fleurs.

Il y a trop de fleurs au printemps dans cette île enchantée. Les natifs n’y font plus attention. Les roses forment des buissons le long des routes, et non point ces petites églantines appauvries que nous admirons dans nos campagnes, mais des roses pleines et colorées, comme celles que les jardiniers d’Occident produisent en peinant et désignent par de savantes appellations. Il y en a de blanches, de roses, de rouges : rien n’est curieux comme de les voir monter à l’assaut des méchants cactus et les étouffer presque sous l’amas de leurs pétales parfumés. Savez-vous rien de plus étrange que la silhouette du cactus se détachant sombre et dure sur le ciel ardent du midi ? On dirait une bête malfaisante endormie, et l’on craint instinctivement de la réveiller. Eh bien, cette plante en colère reçoit les caresses du rosier. Après avoir rempli tous les vides, les roses ont encore besoin de place et puisqu’il n’en reste plus, elles se décident à pousser sur les cactus. Et les cactus s’humanisent, se laissent embrasser et deviennent presque gracieux sous leur luxueux manteau.

Aux flancs des maisons s’allonge la glycine exubérante, elle aussi, et laissant tomber de ses grappes innombrables son parfum grisant. Et quand la fleur, trop mûre, se détache, elle s’amasse sur le sol en un épais tapis lilas clair, qui longtemps reste frais et odorant. Dans les bois il y a des herbes à aigrettes légères, des mousses de toutes les teintes et de tous