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Page:Pierre de Coubertin - Souvenirs d Amerique et de Grece, 1897.djvu/38

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l’ouest américain.

sol et des terreurs sans nom attirent les regards vers elles. Le dernier brin d’herbe a disparu, le dernier oiseau a cessé de voler, la dernière goutte d’eau s’est évaporée ; les éclats de rire stridents de la tempête éternelle qui souffle sur ces régions troublent seuls le silence de la mort.

Vers le soir, très tard, à l’heure où le soleil se couche du côté du Pacifique, nous faisons halte dans une petite oasis étrange. Il y a là une source imprévue qu’un bois de peupliers entoure ; les peupliers se serrent les uns contre les autres avec une expression de frayeur enfantine. À leurs pieds pousse un mince gazon. Au milieu de l’oasis un petit jet d’eau des environs de Paris retombe dans un bassin fait de vieilles planches vermoulues. Le vent arrache les feuilles déjà jaunies par l’automne, et une chose vous saisit, la senteur de ces arbres familiers. Une odeur à laquelle, chez nous, on ne fait plus attention s’exhale de leurs troncs et de leurs branchages, odeur d’humidité, de verdure, d’arrière-saison Et de loin, on les voit, ces peupliers, qui s’inclinent comme pour dire adieu, avec une sorte de regret que leur exil soit sans remède et que la mort seule puisse les délivrer de l’odieux contact avec ce sol qui les nourrit à regret.

Aujourd’hui un homme s’est jeté sous les roues de la locomotive. C’était dans une solitude semblable à celle d’hier, moins âpre pourtant. Quelques buissons rabougris poussaient le long de la voie : il s’était caché