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souvenirs d’amérique et de grèce.

Il assurait à chaque Père environ quatre cents piastres par an et leur donnait aussi quelques soldats pour les protéger. Ceux-ci devaient vivre dans un presidio proche de la mission. Il était entendu également que l’on établirait le plus tôt possible des pueblos ou villages destinés à devenir des centres de colonisation. Mais ces préoccupations matérielles tourmentaient peu la sainte âme du Père Junipero Serra. Il ne songeait, lui, qu’à baptiser les Indiens. Qu’importait le reste ? Le monde lui était indifférent : il restait insensible au charme des plus innocentes distractions et tenait les yeux fixés, par delà les horizons de la vie, sur une éternité naïvement paisible. Il était, d’ailleurs, bon et doux, et sa biographie, que son ami et successeur, le Père Palou, nous a laissée légitime fort bien l’enthousiasme avec lequel la Californie, en 1884, a célébré le centenaire de sa mort.

Une ligne conventionnelle partant de Yuma où le Rio Colorado, sorti des sublimes horreurs du Grand-Cañon, se jette dans la mer Vermeille, et aboutissant à la baie de San Diego sur l’océan Pacifique, sépare aujourd’hui la Basse-Californie, restée mexicaine, de la Californie proprement dite, devenue yankee. La baie de San Diego fut la première conquête franciscaine. On organisa quatre expéditions pour s’y rendre. Un petit navire, le San Carlos, partit du cap San Lucas le 11 janvier 1769, portant vingt-cinq soldats. Il paraît, chose difficile à expliquer, qu’il lui fallut trois mois et demi pour faire la route. Un autre, le San Antonio, mit à la voile le mois suivant. Par la voie de terre venaient le Père Crespi, accompagné du