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sur la côte de californie.

vi

Une Californie moderne a pris naissance : l’histoire de sa formation n’est pas faite pour intéresser l’Européen ; c’est une histoire de crises locales ; on peut la résumer en quelques lignes. Il y eut des spéculations folles, des paniques absurdes, voire même une émeute socialiste organisée vers 1877 à San Francisco par l’agitateur Kearney. Un moment on crut avoir trouvé des diamants, et la fièvre de la fortune reprit, intense. Un flot d’émigrants, provenant de tous les coins de la terre, arrivait sans cesse ; d’autres quittaient le pays, enrichis ou définitivement ruinés. Jamais on ne vit, nulle part, semblable instabilité sociale. Comment faire une nation avec tous ces éléments irréductibles ! On n’y songeait même pas. Et pourtant la nation s’est faite, toute seule. Le passé a pris sa revanche. Les envahisseurs avaient conquis le sol ; le sol, à son tour, a reconquis ses vainqueurs. Il a eu raison de leurs habitudes nomades, de leur scepticisme de vagabonds. Il les a fixés, disciplinés, domptés. Oh ! comme ils l’aiment maintenant, ce sol divin ! Cela se voit même dans la capitale restée cosmopolite malgré tout ; le sentiment est bien plus fort dans les villages et dans les campagnes. Ils font des affaires parce qu’ils ont cela dans le sang. Mais ils subissent aussi l’influence de ce clair soleil qu’ils boivent tout le jour, de ces étoiles qu’ils peuvent compter toutes les nuits. Ils ont le sens artistique et leurs ambitions sont royales :