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du nord au sud.

nous autres Européens, nous avons de la peine à le comprendre. La Grèce a poursuivi la perfection de l’individu par l’harmonie de ses diverses facultés. Le moyen âge a prêché l’ascétisme, c’est-à-dire l’âme asservissant le corps, son ennemi supposé ; ensuite, a paru l’idéal militaire, et maintenant, c’est l’activité qui domine. En somme, qu’on se batte contre les choses, contre les hommes, contre les événements ou contre soi-même, c’est toujours une lutte et la lutte est noble[1].

  1. Dans une ville d’Amérique où j’ai passé deux semaines, j’étais piloté les premiers jours par un Français fixé dans le pays par son mariage. « Nous déjeunerons à l’Union Club, me dit-il un matin, en manière de programme, et puis mon ami Williams nous fera voir ses chevaux de course qui sont au Pavillon des chasses, hors de la ville. » Avant de déjeuner à l’Union Club, nous allâmes prendre l’ami Williams. Il vendait du madapolam dans une petite rue pleine de boutiques, de réclames et de mouvement. La devanture ressemblait à toutes les devantures ; le nom de Williams and C° s’y étalait en lettres d’or ; l’intérieur était vaste, en forme de galerie, avec des comptoirs très longs, beaucoup d’employés, quelques acheteurs et des piles invraisemblables de tous les madapolams existant à la surface du globe. À droite, en entrant, se trouvait la caisse ; assis sur un siège mobile, très élevé, un jeune homme d’environ trente ans, élégamment vêtu, l’air distingué, donnait des acquits ; il leva les yeux, nous salua d’un sourire et continua sa besogne, non sans dire à mon compagnon entre deux signatures : « Superbe journée hier ! mon cheval a sauté magnifiquement. » — L’image de ce cheval de prix sautant ces comptoirs et ces piles de madapolam me resta longtemps dans l’esprit.