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souvenirs d’oxford et de cambridge

diplôme ordinaire et aspirent aux « honneurs ». Du sport toujours : mais aussi des discussions politiques et sociales, des germes d’association, des penchants philanthropiques qui se dessinent et le travail qui prend le dessus. Il est temps, car si les premiers examens sont faciles, le dernier ne se passe pas si aisément, et il n’est guère d’usage ici de se représenter indéfiniment avec l’espoir que la persévérance du candidat touchera les examinateurs.

Tous ceux qui ont passé à l’université au temps de Tom Brown s’accordent à vanter la fidélité du tableau ; mais ce temps est déjà loin ; le vent de la réforme a-t-il soufflé par ici ? C’est ce que nous verrons.

Oxford, au revoir !


ii

Cambridge, mai-juin 1886.

Cambridge s’élève en pays plat sur les rives de la Cam : le chemin de fer l’approche de loin, avec respect, comme pour ne pas la déflorer, et aucun nuage de charbon n’en obscurcit l’atmosphère. La statistique lui reconnaît une population aussi nombreuse que celle d’Oxford, mais le visiteur lui trouve une apparence plus resserrée, des rues plus étroites, un parfum plus patriarcal. L’alma mater y règne sans conteste, et toute la vie se concentre autour d’elle ; c’est une république littéraire gouvernée par un sénat dont la juridiction s’étend à un mille de distance dans la banlieue.

Ses monuments, au lieu d’être disséminés dans la ville, se sont réunis comme pour être mieux admirés, et ils ont formé une surprenante avant-garde dont l’apparition subite arrache aux arrivants une exclamation enthousiaste. C’est King’s College, aux clochetons à jour, puis le palais sénatorial et les bâtiments du Caïus et Gonville, qui se montrent ainsi à un détour du chemin ; d’autres collèges suivent, ouvrant sur la rue leurs cours majestueuses et, de l’autre côté, donnant sur les parcs au milieu desquels circule la rivière.

Il est quatre heures ; des escouades de périssoires de bois verni glissent à sa surface ; dans les prairies, une soixantaine de jeunes gens jouent au tennis. Cela, c’est la note gaie, la note moderne ; des promeneurs passent dans les longues avenues ombragées ; point de maisons de ce côté, rien que des arbres. Le meilleur moyen d’apprécier ce qu’on appelle ici : The backs of the colleges (oh ! shocking), c’est encore de monter soi-même une de ces séduisantes petites périssoires aux coussins confortables et de suivre le fil de l’eau entre les rives gazonnées ; on voit venir à soi, à travers les