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souvenirs d’oxford et de cambridge

Christ Church, et les réunions hebdomadaires se tiennent chez l’un d’eux : on y discute une motion affichée quelques jours à l’avance et ayant trait généralement à la politique, mais on aborde aussi les sujets économiques et même littéraires. Le membre zélé qui a déposé le billet était en quête du prochain sujet de discussion ; après réflexion, voici celui qui a été arrêté : That this house approves of a monarchical government being restored in France[1].

Un autre est venu dans un but plus futile : il a retourné le buste de Gladstone contre la muraille ; le propriétaire s’étant aperçu de cette muette protestation d’un camarade unioniste remet le grand homme à l’endroit.

Keble-college a été bâti par souscription publique et on lui a donné le nom de John Keble, célèbre professeur de l’université. La charte d’incorporation (6 juin 1870) déclare que le but des fondateurs a été « de procurer l’enseignement académique et une vie économique à ceux qui désirent rencontrer ce double avantage combiné avec celui d’un enseignement chrétien basé sur les principes de l’Église d’Angleterre ». Cela répondait à un besoin, et un mouvement très marqué s’est fait sentir dans ce sens ici comme à Cambridge, où il y a déjà plusieurs fondations du même genre.

Keble est moderne de style comme d’esprit, et l’architecte a fait preuve d’originalité et de talent, en élevant cette grande construction qui abrite déjà beaucoup d’étudiants.

En face s’ouvre le parc de l’université. Tout le centre n’est qu’un vaste pré, divisé en quadrilatères pour les parties de foot-ball qui se jouent autour d’un élégant pavillon, produit des souscriptions d’un club quelconque. De l’intérieur on peut suivre, grâce aux fenêtres en glaces, les jeux engagés de divers côtés. Un match vient de finir : les joueurs en nage, couverts de boue, s’échappent du champ où se dressent les grandes fourches-caudines blanches sous lesquelles il s’agissait de faire passer le ballon. Il y a des physionomies contractées par l’effort des muscles, et leurs propriétaires ne parlent pas, ayant déjà bien assez à faire de pouvoir respirer. Par-dessus leurs tricots, ils ont remis des vestes bleues aux armes du collège, puis encore ces grands ulsters à pèlerine qui ont reconnaître partout les fils d’Albion, et ils s’en vont en bandes silencieuses trouver « at home » un fauteuil et du thé.

D’autres enragés, profitant des dernières lueurs du jour, se démènent encore dans l’humide brouillard qui glisse sur l’herbe ; les

  1. Cette assemblée approuverait la restauration d’un gouvernement monarchique en France.