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CHAPITRE V.

vert, en taillant avec un fer noir la tige aux cinq rameaux. La fin du poëme est peut-être plus technique, s’il est possible, et plus sèche encore. C’est une sorte de calendrier, où Hésiode a marqué, dans le mois lunaire, les jours favorables ou néfastes, par rapport surtout aux travaux de l’agriculture. Ce morceau n’a guère d’intérêt qu’à titre de renseignement sur les superstitions populaires du temps.

Le poëme se termine à peu près comme la femme dont parle Horace : belle tête, queue de poisson. Il faut bien avouer aussi que, dans l’ensemble, on n’aperçoit pas toujours clairement la liaison des idées. Hésiode, uniquement préoccupé de l’unité morale, si je puis m’exprimer ainsi, a trop négligé cette autre unité qui naît d’une gradation savante et de transitions habilement ménagées. Il va, revient, s’avance de nouveau pour revenir encore, sautant brusquement d’un sujet à un autre, ou se bornant à une sorte de naïve annonce : « Maintenant, si tu veux, je dirai une autre histoire. — Maintenant je vais dire une fable aux rois. » L’artiste, en un mot, n’est pas, chez Hésiode, à la hauteur du moraliste et du poëte.

Le poëme des Œuvres et Jours nous a été transmis dans un état satisfaisant de conservation. Il semble avoir échappé complètement aux profanations des interpolateurs, malgré les tentations que leur offrait une composition dont le tissu n’est ni bien serré ni bien uni. Tout y a, d’un bout à l’autre, tournure et couleur hésiodéenne. Nulle disparate ni de style, ni de langue, ni de versification. Le prologue lui-même, que quelques-uns regardent comme ajouté après coup, porte tous les caractères de l’authenticité. Si c’est, comme on le prétend, l’ouvrage de quelque rhapsode, un proème dans le genre de ceux dont les Homérides faisaient précéder leurs récitations épiques, il faut admirer l’art avec lequel le faussaire a su imiter le ton d’Hésiode, sa vigoureuse simplicité, le mouvement de sa phrase, et lui prendre sa langue et sa physionomie.