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Page:Pierron - Histoire de la littérature grecque, 1875.djvu/139

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POÉSIE ÉLÉGIAQUE.

que votre cœur, sous le bouclier, se ramasse en sa vaillance, au moment où commencera la mêlée. Car il n’est pas possible à un homme d’éviter la mort décrétée par le destin ; non ! eût-il les immortels mêmes pour ancêtres de sa race. Souvent celui qui s’en va, pour éviter le combat et le retentissement des traits, la mort le frappe dans sa maison ; mais il n’y a dans le peuple nulle affection pour lui : il n’y laisse nuls regrets. L’autre, au contraire, petits et grands le pleurent, s’il lui arrive mal. Oui, la mort d’un guerrier à l’âme vigoureuse excite les regrets de la nation tout entière. Vivant, on l’estime à l’égal des demi-dieux. Aux yeux de ses concitoyens, il est comme un rempart ; car il suffit seul à l’œuvre de vingt autres. » Je dois dire que, suivant quelques critiques, la première partie seule de ce morceau serait de Callinus. Ils attribuaient tout le reste, depuis et qu’en mourant, à Tyrtée. Mais la ressemblance des pensées et des sentiments s’explique par celle des situations où se trouvaient les deux poëtes, sans qu’il soit besoin de supposer ou que Stobée, qui a conservé ces vers, ait oublié de rapporter le dernier passage à son auteur, ou que quelque copiste ait négligé de transcrire à cet endroit le nom de Tyrtée. Quoi qu’il en soit, j’aime à croire que les Éphésiens n’attendirent pas jusqu’au dernier moment pour sortir de leur léthargie, et que ces patriotiques accents furent pour quelque chose dans leur réveil. La muse de Callinus était digne de sauver Éphèse et l’Ionie.


Tyrtée.


Tyrtée était un contemporain de Callinus. La deuxième guerre de Messénie, à laquelle il prit une part si glorieuse, commença en l’an 685 et finit en l’an 668. En 685, Tyrtée devait être un homme dans la force de l’âge. Il vivait alors à Athènes, soit qu’il y fût né, selon l’opinion la plus probable, soit, comme le veulent quelques-uns, qu’il y fût venu de la ville ionienne de Milet. On dit qu’il était boiteux, et qu’il exerçait à Athènes la profession de maître d’école. La même légende rapporte que les Spartiates, sur l’ordre de l’oracle, avaient demandé aux Athéniens un chef capable de