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POÉSIE ÉLÉGIAQUE.

fêtes publiques, dit Plutarque, il y avait trois chœurs, suivant les trois différents âges. Le chœur des vieillards entonnait le chant : Nous avons été jadis jeunes et braves. Le chœur des jeunes gens répondait : Nous le sommes maintenant. Approche, tu verras bien ! Le troisième chœur, celui des enfants, disait à son tour : Et nous un jour le serons, et bien plus vaillants encore. En général, si l’on considère les poésies des Lacédémoniens, dont quelques-unes se sont conservées jusqu’à nous, et les airs militaires qu’ils chantaient sur la flûte quand ils marchaient à l’ennemi, on reconnaîtra que Terpandre et Pindare n’ont pas eu tort de faire du courage le compagnon de la musique. Le premier dit, en parlant de Lacédémone : Là fleurissent le courage des guerriers, et la muse harmonieuse, et la justice protectrice des cités. Et Pindare : C’est là qu’on voit des conseils de vieillards, et de vaillants guerriers la pique à la main, et des chœurs, et des chants, et des fêtes. Tous deux ils nous représentent les Spartiates aussi passionnés pour la musique que pour la guerre. C’est qu’en effet, il y a deux choses qui se valent, tenir le fer et bien manier la lyre, comme dit le poëte lacédémonien.[1] »

Il n’est donc pas surprenant que Tyrtée ait trouvé à Sparte un auditoire profondément sympathique, et que ses chants y aient fait sur les âmes une vive et durable, impression. Le poëte ionien ou attique (en ce temps-là c’était tout un) ne laissa pas de parler sa langue accoutumée, quoiqu’il s’adressât à des Doriens. Le dialecte ionien était encore la langue commune de la poésie ; et les Doriens, familiarisés dès l’enfance avec les accents de la Muse, n’avaient pas besoin que Tyrtée désapprît, pour se mettre à leur portée, l’idiome d’Hésiode et d’Homère. Mais ce qui respire dans les vers ioniens de Tyrtée, c’est un esprit tout dorien et spartiate, c’est-à-dire la raison austère, l’amour de la gloire, la crainte de la honte, le mépris de la mort, et, ce qui comprend tout le reste, le dévouement à la patrie. Les exhortations guerrières du poëte ne nous sont pas connues seulement par de vagues indications, ou par des lambeaux plus ou

  1. Vie de Lycurgue.