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CHAPITRE VII.


Simonide d’Amorgos.


Archiloque trouva, parmi ses contemporains mêmes, un émule de sa malice, et qui mania l’ïambe avec une remarquable dextérité. Ce poëte, assez peu connu, se nommait Simonide, et vivait dans l’île d’Amorgos. Il florissait vers l’an 660 avant notre ère. Quelques-uns font de lui un fondateur de villes, qui était venu à Amorgos avec une colonie samienne. Il avait eu des démêlés avec un certain Orodœcidès, et il l’avait flagellé dans des ïambes à la façon de ceux d’Archiloque. Mais son titre à la renommée, c’est d’avoir appliqué l’ïambe à la satire morale. Il ne reste rien de ses attaques contre Orodœcidès ; mais nous possédons de lui un poëme sur les femmes, en cent dix-neuf vers ïambiques sénaires ou trimètres. Ce poëme, rangé à tort parmi les débris des ouvrages de Simonide de Céos, est une sorte d’amplification du passage d’Hésiode que j’ai cité ailleurs. Le poëte énumère successivement les différents caractères de femmes, et il assigne à chacun d’eux son origine. Toute femme provient, selon lui, de quelque élément ou de quelque animal ; et c’est de cette source que dérivent les traits qui distinguent une femme d’une autre. Ainsi la femme malpropre descend de la truie ; la rusée, du renard ; la piailleuse, de la chienne ; la fainéante, de la terre ; c’est la mer qui a produit la femme inégale et changeante ; la femme gourmande et sensuelle provient de l’âne ; la femme perverse, de la belette ; la femme qui aime la parure, du cheval ; la femme laide et malicieuse, du singe. Tous ces portraits, Simonide les a esquissés avec une naïveté un peu rustique et même un peu grossière, en homme qui n’hésite jamais à se servir du mot propre, et qui se met en médiocre souci de charmer le lecteur par de gracieuses images. Il ne se déride qu’à la fin de l’énumération, quand il s’agit de cette bonne ménagère dont Hésiode, avant lui, avait proclamé l’excellence, et aussi la prodigieuse rareté : « Celle-ci est de la race de l’abeille. On est heureux si on l’a en partage. C’est la seule qui ne mérite aucun reproche. La vie, par ses soins, devient florissante et riche. Dévouée à un