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CHAPITRE IX. POÉSIE CHOLIAMBIQUE. PARODIE, ETC.

fort courts aussi, n’ont guère d’intérêt que pour les grammairiens et les amateurs de métrique et de prosodie.

La vie d’Hipponax est mieux connue que celle de la plupart des poëtes dont nous nous sommes occupés jusqu’ici. Il était né dans la ville ionienne d’Éphèse, et il vivait dans la dernière moitié du sixième siècle. Persécuté dans sa patrie par les tyrans Athénagore et Comas, il se retira à Clazomènes, et c’est là probablement qu’il passa ses dernières années. L’exil ne contribua pas à adoucir son humeur, naturellement aigre et misanthropique. Hipponax était Ionien, mais il n’avait rien de cette affabilité et de ce laisser-aller qui distinguait ses compatriotes. Il eût mérité de vivre à Sparte et de manger le brouet noir. Il voyait avec douleur l’abaissement de son pays ; il s’indignait contre des hommes qui ne songeaient qu’à leur bien-être et à leurs plaisirs, et qui avaient perdu le sentiment des grandes choses et le souvenir des jours de la liberté. Impuissant à ranimer leur torpeur, il ne se laissa pas entraîner, comme autrefois Mimnerme, aux séductions du luxe et aux enivrements de la volupté. Il attaqua avec une indomptable énergie tous les vices, tous les ridicules, tous les goûts dépravés ou frivoles. On devine du moins, en parcourant ce qui reste de ses poésies, qu’il avait quelquefois traité la satire en moraliste curieux des choses et des principes, bien plus qu’en détracteur acharné des personnes. Le plus considérable de ses fragments est une diatribe contre ces prodigues qui dévorent, dans de splendides festins, la fortune péniblement amassée par leurs pères. Ce n’est pas qu’Hipponax se fit faute d’user contre ses ennemis, et même d’abuser cruellement, de ses armes poétiques. Il était maigre, fort laid et de taille chétive. Deux sculpteurs de Chios, Bupalus et Athénis, s’étaient permis de faire rire à ses dépens, en le figurant sous des traits qui n’étaient sans doute rien moins que flattés. Cette caricature mit le poëte en fureur. Il fut pour Bupalus et Athénis ce qu’Archiloque avait été pour Lycambès et ses filles. Il les poursuivit de ses sarcasmes et de ses injures avec une rudesse impitoyable, sans relâche et sans trêve. On conte qu’eux aussi finirent par se pendre de désespoir.