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POÉSIE CHOLIAMBIQUE. PARODIE. APOLOGUE.

Mais voici un trait qui m’a surtout blessée au vif : ils ont rongé mon voile, un voile de si fine trame, que j’avais filé et tissu avec tant de soin ; ils me l’ont tout troué. Or, le raccommodeur me presse ; il exige son payement : aussi je suis furieuse. Il prétend même que j’aie à payer les intérêts de la somme : c’est un peu dur pour une immortelle. Enfin, j’avais emprunté pour faire ce voile, et je n’ai pas de quoi rendre. Mais je n’ai nullement envie pourtant de secourir les grenouilles. Il n’y a pas davantage à compter sur elles. Naguère encore, comme je revenais du combat, toute brisée de fatigue et ayant besoin de sommeil, leur vacarme ne me permit pas de fermer un instant les yeux ; et je suis restée étendue sans dormir, la tête malade, jusqu’au chant du coq. Ainsi donc, ô dieux, abstenons-nous de leur venir en aide. Peut-être un de nous serait percé d’un trait aigu, d’une lance ou d’un glaive ; car ils sont braves à ne pas reculer, eussent-ils même un dieu pour adversaire. Divertissons-nous, tous tant que nous sommes, à contempler la lutte des hauteurs du ciel[1]. »

Je n’ai pas besoin de démontrer que la Batrachomyomachie figure à tort parmi les œuvres d’Homère, et que ce n’est pas le poëte de l’Iliade qui s’est parodié lui-même. Une tradition assez vraisemblable en attribue la composition à Pigrès, frère de la première Artémise, reine d’Halicarnasse en Carie, celle qui seconda si vaillamment Xerxès dans son expédition contre la Grèce.



  1. Batrachomyomachie, vers 178 et suivants.