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CHAPITRE X.

cliers ne font point de blessures. » Il rappelle avec fierté les exploits de son frère dans l’armée babylonienne, et les trophées qu’Antiménidas avait rapportés de l’Orient : « Tu es venu des extrémités de la terre avec un glaive à la poignée d’ivoire enrichie d’or. » Une fois pourtant il avait songé, de son propre aveu, plus à la vie qu’à la gloire. C’était à la bataille de Sigée, contre les Athéniens. Mais il était jeune alors, et il n’avait point encore appris à regarder le danger sans pâlir. Comme jadis Archiloque, il parlait sans rougir de sa mésaventure. Il a pris soin lui-même de faire connaître à la postérité qu’il avait jeté ses armes dans le combat, et que les ennemis en avaient décoré le temple de Pallas à Sigée.


Autres odes d’Alcée.


La passion politique n’empêchait pas Alcée d’être un homme de plaisir. Les fragments de ses compositions bachiques prouvent qu’ils ne s’abandonnait pas tous les jours aux chagrins de la vie. C’est à lui qu’Horace a emprunté l’idée et les principaux détails de la belle ode : « Tu vois comme s’élève le Soracte, blanc d’une neige épaisse ; » et c’est à Alcée qu’il doit probablement la plupart de ses autres chansons à boire. Pour celle-là du moins le doute n’est pas permis, car il reste six vers de l’original, qui débute ainsi : « Jupiter verse la pluie ; une tempête violente descend du ciel ; le courant des eaux est pris par la glace. » La philosophie d’Alcée semble se résumer tout entière dans ce vers d’une autre ode, où l’on reconnaît encore la preuve qu’Horace avait puisé largement aux trésors de la poésie lesbienne : « Ne plante aucun arbre avant la vigne. » Il célèbre avec enthousiasme les dons du fils de Jupiter et de Sémélé. Il presse les convives de boire, même avant qu’on ait allumé les flambeaux ; il veut que pas un ne chôme, et que toujours une coupe en chasse une autre.

L’amour dut tenir aussi une assez large place dans l’existence d’Alcée, et la perte de ses poésies érotiques n’est pas ce qu’il y a de moins regrettable. Ce que je voudrais surtout connaître, ce sont les chants qu’il adressait à Sappho, et dont quelques traces subsistent encore. Il la salue en ces termes :