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LYRIQUES DORIENS.

de cela, Alcman est mon nom, et je suis citoyen de Sparte. J’ai appris à connaître les Muses grecques ; et, grâce à elles, je suis plus grand que les rois Dascylès et Gygès. » On se tromperait pourtant, si l’on allait penser qu’Alcman rougît de son origine étrangère. Il rappelle quelque part avec orgueil le nom de sa ville natale : « Ce n’est, dit-il en parlant de lui-même, ni un sauvage, ni un malhabile, ni un homme sorti d’une race inepte, un Thessalien, un Érysichéen, un pâtre de Calydon, mais un homme de Sardes la puissante. » Quoi qu’il en soit, Alcman, à Sparte, dévoua sa vie aux Muses et fut, dans toute l’acception du mot, un artiste. Il célèbre lui-même ses inventions poétiques, la nouveauté et l’originalité des formes sous lesquelles il avait su présenter ses pensées. Ainsi dans ce début de l’ode qui était, selon les anciens, la première de son recueil : « Allons, Muse, Muse à la voix claire, chante la mélodie à plusieurs membres ; commence à chanter aux jeunes filles sur un ton nouveau. »


Originalité d’Alcman.


C’est surtout dans la langue et dans le style qu’Alcman fut inventeur. Jusqu’à lui le dialecte dorien avait été négligé, même par les poëtes qui chantaient à Sparte, comme trop rude et trop grossier, et comme peu propre à la culture littéraire. Alcman l’assouplit, le polit, lui donna la prestesse et la grâce, le fit digne enfin de ses aînés en poésie, l’éolien et la langue ionienne. Cela ne veut pas dire que le poëte ait uniquement parlé dorien. On sent en maint endroit qu’Homère ou Tyrtée a fourni le terme que n’offrait pas l’idiome national, ou que la langue dorienne n’avait que sous une forme trop peu élégante ; on aperçoit aussi çà et là des éolismes, qui rappellent que le Lesbien Terpandre avait vécu à Lacédémone.

Les fragments des poésies d’Alcman sont en général fort courts, et assez insignifiants, sinon aux yeux des chercheurs de faits grammaticaux. On y reconnaît pourtant un poëte, un amant passionné de la nature, un homme qui a réfléchi profondément sur la condition humaine, et qui sait donner à sa