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LYRIQUES DORIENS.

que lui offraient, dans ces genres divers, les œuvres de ses prédécesseurs et des contemporains, ou si ces morceaux différaient par la forme, comme par la langue, des pièces analogues d’Archiloque, d’Alcée ou de Sappho. Il paraît, en général, qu’Alcman s’était donné une extrême liberté dans l’emploi des mètres poétiques. S’il se sert assez souvent de quelques-uns des vers les plus connus, même du vers hexamètre, on peut dire toutefois qu’il n’obéit guère qu’à sa fantaisie, et dans l’agencement des pieds du vers, et dans la disposition des vers en strophes ; ou plutôt il a une loi, mais une loi toute musicale : ses vers, pour la plupart, ne sont que des rhythmes, conformés d’après l’exigence de la mélodie. La conception musicale est comme un moule qui détermine la longueur de la strophe et les dimensions de ses diverses parties. On ne trouve rien, dans les fragments du poëte dorien, qui ressemble à la strophe de Sappho ou à celle d’Alcée, combinaisons heureuses de mètres fixes et de vers en nombre strictement déterminé, mais étroites et bornées, et où se fût trouvée mal à l’aise la musique d’un chœur, même une mélodie un peu solennelle, chantée à plusieurs voix en l’honneur de nouveaux époux ou pour la célébration d’un sacrifice.


Tynnichus.


C’est à un chant religieux que nous devons la conservation du nom de Tynnichus : « Tynnichus de Chalcis, dit Platon dans un de ses dialogues, est une preuve de ce que je dis. Nous n’avons de lui aucune pièce de vers qui mérite d’être retenue, si ce n’est son péan, que tout le monde chante, la plus belle ode peut-être qu’on ait jamais faite, et, comme il parle lui-même, une trouvaille des Muses[1]. » Tynnichus était Dorien, et les trois mots qui restent de son péan montrent qu’il l’avait écrit en langue dorienne. Ce poëte doit avoir vécu dans le sixième siècle avant notre ère. Il y avait longtemps du moins qu’il était mort, au temps des guerres Médiques. Ce qu’Eschyle admirait surtout, dans le péan de Tynnichus,

  1. Platon, Ion, paragraphe V, page 534 des Œuvres.