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CHAP. XIV. THÉOLOGIENS ET PHILOSOPHES POËTES.

ou à raison, se rattacher par une chaîne non interrompue à l’aède de Piérie, et posséder le dépôt authentique des doctrines du maître. Les orphiques étaient répandus en divers lieux, et ils exerçaient, ce semble, une assez grande influence, non pas peut-être par leur génie ou par la supériorité de leur talent, mais parce qu’ils enseignaient aux hommes de hautes et consolantes doctrines.

C’est surtout de la nature de l’âme et de sa destinée après la mort que s’inquiétaient les poëtes théologiens réunis sous l’invocation d’Orphée, et c’est d’ordinaire au culte de Bacchus qu’ils se consacraient. Mais leur Bacchus n’était point le Dionysus populaire, le dieu du comos et du dithyrambe. C’était une divinité d’un ordre plus sévère, et en qui se personnifiaient à la fois les joies et les chagrins de la vie. Dionysus Zagreus, comme ils le nommaient, le chasseur des âmes, suivant le sens de son surnom, participait, selon eux, de la puissance de Hadès ou du roi des enfers. C’était lui qui présidait à la purification de notre âme dans cette vie, et qui assurait à nos mérites l’immortalité avec ses châtiments ou ses récompensés. Le culte particulier qu’ils rendaient à ce dieu n’avait rien du caractère enthousiaste et désordonné qui signalait les fêtes lénéennes et dionysiaques. Les orphiques mettaient la décence extérieure au nombre des devoirs ; ils visaient à une sorte d’ascétisme, et leurs habits de lin blanc étaient des symboles de cette pureté morale où aspirait leur âme.


Poëtes orphiques.


Ce n’est guère qu’au temps de Pisistrate et des Pisistratides que la secte orphique compta des adhérents dont les ouvrages obtinrent une véritable notoriété, et dont le nom est resté dans la littérature. Bien avant eux néanmoins, Phérécyde de Scyros, qui vivait dans la première moitié du sixième siècle, avait publié une Théogonie, écrite en prose ionienne et dans un style tout poétique, où se trouvaient la plupart des idées que l’on rencontre chez les poëtes orphiques, telles que l’identité de Jupiter et de l’Amour, et l’existence du dieu Ophionée. L’influence des doctrines orphiques