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CHAPITRE XVI.


Hérodote moraliste.


Hérodote n’écrivait pas uniquement pour raconter ; et lui-même il tire plus d’une fois l’enseignement moral qui sort si souvent du spectacle des choses humaines. Il aime à montrer la présence et l’action d’un pouvoir souverain dans le monde. Il croit que tout est réglé de tout temps, et que rien ne saurait garantir de l’envie des dieux, comme il s’exprime souvent, le crime, la violence, même l’opulence excessive, et la vanité, son inévitable compagne. Je ne veux pas dire qu’Hérodote soit un grand philosophe, ou qu’il ait inventé, dès le cinquième siècle avant J. C., la philosophie de l’histoire. Je dis seulement qu’il sait réfléchir, et que son âme d’honnête homme lui suggère quelquefois les idées les plus vraies, et même les plus profondes. Il a un vif sentiment de ce qui est bien et de ce qui est mal ; et ce n’est pas lui qu’on verra jamais ou excuser des actes mauvais, ou déprimer la vertu des grands hommes. L’histoire pour lui est l’histoire, et non point un plaidoyer : il n’est d’aucun parti, à moins qu’on ne nomme ainsi l’amour passionné de la vérité et de la justice. Il ne dissimule point les défauts des Grecs eux-mêmes. A côté de leur gloire, il montre les écueils où se peut briser un jour tant de puissance. La chute successive des empires est une leçon qu’il leur donne à méditer sans cesse ; et ses fréquents appels au sentiment religieux et à la crainte des vengeances divines sont des avertissements qui regardent l’avenir, bien plus encore que des explications du passé.


Excellence de l’ouvrage d’Hérodote.


Hérodote était religieux, mais non pas crédule. Il raconte souvent des prodiges, mais toujours avec des formules qui reportent sur d’autres la responsabilité de l’erreur ou du mensonge. Il est la véracité même. Ce qu’il dit avoir vu, il l’a vu en effet ; ce qu’il dit avoir entendu, on le lui a en effet conté. Il est impossible de suspecter sa bonne foi. Ceux qui l’ont fait étaient ou des esprits prévenus, comme Plutarque,