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ORIGINES DU THÉÂTRE GREC.

triste et tantôt gai des aventures attribuées au dieu, et suivant la nature des personnages dont Bacchus était entouré. Mais elle se maintint, depuis l’invention de Pratinas, dans la région des hautes idées, des nobles sentiments, des grandes catastrophes, et elle s’appropria ce style héroïque qui n’excluait ni la simplicité du langage, ni même la plus touchante naïveté. La plaisanterie, les quolibets, les danses égrillardes, furent dévolus aux satyres du drame, qui s’en acquittèrent à la complète satisfaction des spectateurs. Nous possédons un drame satyrique, le Cyclope d’Euripide, qui donne une idée du genre. Horace, dans l’Art poétique, expose les préceptes qui s’y rapportent, et décrit en ces termes les caractères du style qui sied bien aux rustiques compagnons de Bacchus : « Pour moi, chers Pisons, ce que j’aimerais, si j’écrivais un drame satyrique, ce ne serait pas une diction uniquement brute et triviale, et je ne m’efforcerais pas de m’éloigner de la couleur tragique au point qu’il n’y eût aucune différence entre les propos d’un Davus, ou d’une effrontée Pythias escamotant l’argent du benêt Simon, et le langage de Silène, serviteur et nourricier d’un dieu[1]. »


Chœrilus le tragique.


Chœrilus l’Athénien, qui prolongea sa carrière poétique jusqu’au temps des débuts de Sophocle, fut le rival heureux de Phrynichus, de Pratinas, et plus d’une fois d’Eschyle lui-même. Il composa un très-grand nombre de pièces, et il fut treize fois couronné vainqueur dans le concours des tragédies nouvelles. Il passe pour avoir particulièrement excellé dans le drame satyrique. On dit toutefois que Sophocle reprochait à Chœrilus de n’avoir rien perfectionné, et de n’avoir pas même soutenu la tragédie à la hauteur où l’avait portée Phrynichus son devancier.

  1. Horace, Art poétique, vers 234 et suivants.