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CHAPITRE XXV.

il feignit qu’il se repentait de sa conduite, et il laissa faire à leur aise ceux qui pillaient le trésor ; puis, comme le peuple, trompé par leurs acclamations intéressées, se disposait à le continuer dans la charge de trésorier : « Athéniens, dit-il, quand j’ai fait vos affaires en magistrat fidèle et en homme de bien, on m’a couvert de boue. Depuis que j’ai livré aux voleurs presque toute la fortune publique, je suis à vos yeux un citoyen admirable. Je rougis donc bien plus de l’honneur que vous voulez me décerner aujourd’hui que de la condamnation que j’ai subie l’année dernière, et je plains sincèrement votre misère lorsque je vois qu’il est plus glorieux auprès de vous de complaire à des gens pervers que de conserver les biens de la république[1]. » Puis il déploya devant eux les preuves manifestes de toutes les déprédations qui avaient été commises, et les fit revenir de leur erreur. L’éloquence d’Aristide, bien plus encore que celle de Thémistocle, était en état de se passer de tous les artifices. C’était cette éloquence de l’âme, dont la puissance est irrésistible ; et sans doute il songeait à Aristide, le premier qui définit l’orateur, un homme de bien sachant parler. J’aimerais mieux ajouter foi aux contes les plus invraisemblables, que de croire qu’Aristide n’a pas excellé dans l’éloquence ; et rien ne me fera refuser le titre de grand orateur au grand citoyen qui méritait qu’on lui appliquât, en plein théâtre, les vers d’Eschyle sur Amphiaraüs : « Il ne veut point paraître brave, mais l’être ; son âme est un sol fécond, où germent les prudents conseils[2]. »


Périclès.


J’accorderai volontiers que la plupart de ceux qui eurent quelque influence à Athènes avant l’avènement définitif de Périclès, étaient des hommes de guerre bien plus que des orateurs, et que Cimon, le fils de Miltiade, dut surtout son empire sur ses concitoyens à ses talents militaires, à sa richesse,

  1. Plutarque, Vie d’Aristide.
  2. Les Sept contre Thèbes, vers 592-593.