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CHAPITRE XXV.

ou que, si nous possédions sous leur forme véritable quelques-uns de ses discours, ne fût-ce que les trois harangues dont Thucydide a perpétué le souvenir, ce seraient là les plus magnifiques monuments, et les plus impérissables, de l’éloquence athénienne.

Eupolis disait que Périclès, seul entre tous les orateurs, laissait l’aiguillon dans l’âme de ceux qui l’écoutaient. Aristophane, peu de temps après la mort de Périclès, nous le représente comme un Jupiter Olympien, lançant des éclairs, roulant son tonnerre, bouleversant la Grèce. C’est aux leçons d’Anaxagore qu’il dut, selon Cicéron, d’être digne d’un tel éloge. Platon fait dire à Socrate, dans le Phèdre, que Périclès l’a emporté sur tous les orateurs, pour avoir été le disciple d’Anaxagore, et que le philosophe lui avait enseigné, entre autres sciences, quelle sorte de discours était propre à faire impression sur chacune des parties de l’âme. C’est en effet par un commerce assidu avec Anaxagore durant de longues années, que Périclès perfectionna les merveilleuses qualités dont l’avait doué la nature : « Il puisa, dit Plutarque, dans les conversations d’Anaxagore, la connaissance des phénomènes de la nature ; et c’est de là aussi que lui vinrent l’élévation et la gravité de son esprit, son élocution noble et exempte des affectations de la tribune et de la bassesse du style populaire, et en même temps la sévérité de ses traits, où jamais ne parut le sourire, la tranquillité de sa démarche, le ton de sa voix, toujours soutenu et toujours égal, la simplicité de son port, de son geste, de son habillement même, que rien n’altérait tant qu’il parlait, quelques passions qui l’agitassent ; enfin tout ce qui faisait de Périclès l’objet de l’admiration universelle. » Avant Anaxagore, Zénon d’Élée avait été déjà son maître ; et l’avait façonné à la dialectique et aux spéculations profondes. Sans exagérer les obligations de Périclès envers la philosophie, il est donc permis de dire qu’il lui fut grandement redevable. C’est grâce à elle qu’il lui fut donné d’atteindre, autant que le permet l’humaine faiblesse, à la perfection suprême.

Périclès avait plus de cinquante ans, à l’époque où la ville retentit pour la première fois du savant bavardage des prétendus