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CHAPITRE XXX.

Phèdre aux images sublimes du Banquet. Je devrais le montrer, dans l’Ion, définissant l’indéfinissable, et donnant à qui veut une claire idée de l’essence même de la poésie ; dans le Ménexène, traçant après tant d’autres le panégyrique de sa patrie, avec une éloquence digne de Périclès, qu’il fait parler, et digne de lui-même : le Ménexène est un modèle d’oraison funèbre que Platon a voulu présenter aux sophistes et aux orateurs qui avaient si souvent profané, depuis Gorgias, la noble fonction de payer à des braves un dernier tribut d’affection et de reconnaissance. J’aurais enfin à analyser une foule de chefs-d’œuvre dont je n’ai pas même prononcé les noms : le Premier Alcibiade, ou de la nature humaine ; le Criton, fameux par la prosopopée des Lois, qui rappellent à Socrate ses devoirs de citoyen ; le Critias, ou la description de cette Atlantide jadis rêvée par Solon ; le Grand Hippias, ou la réfutation des fausses théories du beau, etc. Et, au bout de ce long travail, il me restait encore à chercher et comment les doctrines littéraires de Platon forment avec sa morale un tout indissoluble, et comment Platon est tout entier, je dis le philosophe, dans la théorie des idées. Mais je me bornerai à citer ce passage de l’Orateur, où Cicéron a résumé, avec tant de netteté et un si rare bonheur d’expressions, tout ce qu’il m’importe de rappeler ici, tout ce qui a le plus directement rapport à l’objet que nous avons en vue :

« J’émets d’abord en fait qu’il n’y a rien de si beau, dans aucun genre, qui ne soit inférieur en beauté à cette autre chose dont il reproduit les traits, à cet original que ne peuvent percevoir ni les yeux, ni les oreilles, ni aucun sens, et que seules embrassent la pensée et l’intelligence. Ainsi nous pouvons imaginer des œuvres plus belles même que les statues de Phidias, qui sont ce qu’on voit de plus parfait en ce genre… Et quand cet artiste façonnait la figure de Jupiter ou de Minerve, il n’avait pas sous ses yeux un modèle vivant dont il tirât la ressemblance ; mais il y avait dans son esprit une image incomparable de beauté, qu’il voyait, qui fixait son attention, dont son art et sa main cherchaient à saisir les traits. De même donc que dans les formes et les figures, il y