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CHAPITRE XXXII.

discours consacrés par Xénophon et Platon à la défense de leur maître. Ces comparaisons ne sont pas toujours à l’avantage d’Isocrate. Il embellit quelquefois les thèmes de ses devanciers, et les rend siens par un tour nouveau ou des traits heureux ; mais d’autres fois il les gâte ou par excès ou par défaut, tantôt forçant la pensée, tantôt restant au-dessous de notre attente. Dans quelques passages, il prend le contre-pied de ce que nous lisons chez les apologistes de Socrate, et s’en trouve plutôt mal que bien. Socrate avait déclaré devant ses juges qu’il ne se reconnaissait point responsable de la conduite de ceux qui passaient pour avoir été ses disciples : eux seuls, selon lui, avaient à encourir ou l’infamie de leurs vices ou la bonne renommée de leurs vertus. Isocrate revendique la responsabilité, ce qui est en soi un peu téméraire ; et il comble la témérité en défiant qu’on lui cite aucun méchant sorti de ses mains. On pourrait même dire qu’il va jusqu’à la rodomontade :

« Si, parmi ceux qui ont vécu près de moi, il en est qui aient montré des vertus en servant leur patrie, leurs amis et leur famille, je consens qu’on les loue seuls et qu’on ne m’en sache aucun gré ; si au contraire il y a eu parmi eux de mauvais citoyens, de ces délateurs, de ces accusateurs qui convoitent le bien d’autrui, je veux en être seul responsable. Voilà, on en conviendra, une proposition bien modeste et bien légitime. Je renonce à rien prétendre sur les gens de bien ; et, si on me montre ces méchants qu’on m’impute d’avoir formés, je consens à payer pour eux. »

De pareils arguments n’eussent pas beaucoup embarrassé un accusateur réel. Ils étaient peut-être de mise dans une apologie fictive. Ils disent vivement et la confiance d’Isocrate en lui-même et la noblesse de son caractère. C’est une beauté en son genre, mais dans un genre faux selon moi, et qui sent par trop sa sophistique. On ne se pose jamais de la sorte, quand on a en face de soi un contradicteur.

Mais ce n’est point à titre de plaidoyer, d’œuvre oratoire plus ou moins parfaite, que le discours sur l’Antidosis est intéressant pour nous ; c’est plutôt comme pièce historique, comme tableau complet d’une grande existence. Car Isocrate