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ORATEURS DU QUATRIÈME SIÈCLE AV. J. C.

son talent sortirent de toutes les épreuves avec un nouveau lustre. Il fut un des orateurs dont Alexandre demanda la tête, après la destruction de Thèbes, et qui furent sauvés par l’intercession du vénal Démade. On dit qu’il se fit porter, avant sa mort, au temple de la Mère des dieux et au sénat, pour rendre compte de son administration. Un seul homme osa élever la voix contre lui : il répondit victorieusement à toutes les imputations de cet homme, et se fit reporter ensuite dans sa maison, où il ne tarda pas à expirer. C’était vers l’an 326 ; il avait plus de quatre-vingts ans.

Presque tous les discours qu’avait laissés Lycurgue étaient des accusations. C’était là qu’excellait ce magistrat intègre, cet homme qu’on avait surnommé l’Ibis, autrement dit le destructeur des reptiles. Le discours contre Léocrate est le seul que nous possédions. Léocrate était un riche citoyen qui, après la bataille de Chéronée, s’était enfui d’Athènes. Lycurgue, au nom des lois, au nom du serment civique, au nom de tous les sentiments les plus sacrés, demande que Léocrate soit déclaré traître à la patrie, et puni du supplice des traîtres. Rien de plus fort ni même de plus rude que ce discours ; rien qui sente moins la sophistique et l’apprêt. Lycurgue se borne, en général, à rappeler d’illustres exemples, à citer des faits historiques, des textes de décrets, les vers de quelques poëtes inspirés. Mais les vers d’Homère ou de Tyrtée, les lois antiques, l’histoire entière, l’héroïsme des grands citoyens, tout retombe sur la tête de Léocrate comme un poids accablant. La colère et l’indignation éclatent de temps en temps, et achèvent l’œuvre de la dialectique et du droit. Ainsi, après avoir rappelé le serment que prêtaient les jeunes Athéniens, Lycurgue s’écrie :

« Que de générosité, que de piété dans ce serment ! Pour Léocrate, il a fait tout le contraire de ce qu’il a juré. Aussi peut-on être, plus qu’il ne l’a été, impie, traître à son pays ? Peut-on plus lâchement déshonorer ses armes qu’en refusant de les prendre et de repousser les assaillants ? N’a-t-il pas évidemment abandonné son compagnon et déserté son poste, celui qui n’a pas voulu même s’enrôler et se montrer dans les rangs ? Où donc aurait-il pu défendre tout ce qu’il