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LITTÉRATURE ALEXANDRINE.

nous n’avons rien à voir. Les œuvres qui recommanderont à jamais l’époque des premiers Ptolémées, c’est la traduction des livres hébreux par les Septante ; ce sont les recherches chronologiques de Manéthon ; ce sont les travaux des critiques pour épurer, pour commenter les textes anciens ; ce sont les écrits d’Euclide le géomètre et de quelques autres savants. Mais la littérature proprement dite végéta tristement dans cette atmosphère de science et d’érudition, et ne donna que des fruits sans sève ni saveur. Un grand nombre d’hommes pourtant eurent, dans Alexandrie, le renom de poëtes. Il y en avait jusqu’à sept dont les tragédies étaient estimées. Il y avait des poëtes comiques, des auteurs de drames satyriques, des poëtes épiques, didactiques, lyriques, élégiaques. Quelques-uns s’étaient exercés dans tous les genres ; presque tous avaient été d’une fécondité extraordinaire. C’étaient, pour la plupart, des gens d’esprit et même de talent ; c’étaient des littérateurs instruits, des versificateurs habiles ; mais pas un seul parmi eux n’a mérité d’être compté au nombre des vrais poëtes. J’en juge ainsi d’après ce qui nous reste des plus fameux, Lycophron de Chalcis, Callimaque de Cyrène et d’autres. S’il fallait faire une exception, ce serait peut-être en faveur de Philétas de Cos, qui fut le précepteur de Ptolémée Philadelphe. Les Latins ont vanté ses élégies ; et il a sur les autres cet avantage, que presque tous ses vers ont péri, et que nous sommes dans l’impossibilité de contrôler les jugements de ses admirateurs.


Lycophron.


Il n’en est pas de même de Lycophron. Nous avons de ce prétendu tragique un poëme entier, qui peut donner une idée suffisante de ce qu’il était capable de faire comme émule de Sophocle ou d’Eschyle. Eschyle avait fait jadis parler Cassandre : c’est elle aussi que Lycophron met en scène, sous le nom d’Alexandra. Elle y est seule, non pas même en personne, mais par un délégué ; et ce délégué prononce, tant pour elle que pour lui-même, un discours qui n’a pas moins de quatorze cent soixante et quatorze vers. Ce