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LES RHAPSODES.

verbaux, et elles ne furent conservées durant des siècles que par la tradition orale. Les premières lois écrites, chez les Grecs, furent celles de Zaleucus, bien postérieur à Homère. Un très-petit nombre d’inscriptions grecques remontent au delà du temps de Solon, et les monnaies grecques les plus anciennes ou n’ont aucune légende, ou ne portent que quelques rares caractères, et assez mal formés. Même à l’époque des guerres Médiques, les lettres grecques n’ont point des traits parfaitement déterminés : tout y décèle une étroite parenté avec l’alphabet phénicien d’où elles sont dérivées ; preuve du peu d’antiquité de cette importation, et preuve que corrobore un autre fait remarquable, c’est qu’à cette époque les signes de l’écriture se nommaient caractères phéniciens. Enfin le silence d’Homère sur l’usage de l’écriture alphabétique est l’argument capital qui démontre, suivant les critiques, que cet usage n’a été introduit qu’après le temps où vivait Homère.

Il n’est pas impossible peut-être de répondre à ces raisons spécieuses.

Lycurgue n’avait point écrit ses lois ; mais c’est qu’il n’avait point voulu les écrire, sinon dans les âmes et dans les mœurs de ses concitoyens. Le mot rhètre signifie proprement oracle. Lycurgue ne parlait qu’au nom de la divinité : ses lois étaient des oracles, ou du moins il les donnait pour telles. Il avait fait exprès le voyage de Delphes, afin d’autoriser du nom de la Pythie sa rhètre fondamentale, que Plutarque a apportée, celle qui concerne l’établissement du sénat et la convocation des assemblées du peuple entre le Babyce et le Cnacion. Écrire les lois, c’eût été, selon lui, leur enlever ce divin caractère, et les réduire à l’état de parole humaine. L’écriture était si peu ignorée du temps de Lycurgue, que es traditions recueillies par les historiens nous représentent Lycurgue lui-même copiant, durant ses voyages, les poëmes d’Homère, et, quelque temps avant sa mort, écrivant de Delphes à ses concitoyens, pour leur faire part du jugement d’Apollon sur ses lois. Mais ce qui réfute péremptoirement l’assertion des critiques, c’est qu’une de ses rhètres, citée par Plutarque, défendait précisément qu’aucune loi fût écrite.