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ÉCRIVAINS DES DEUX DERNIERS SIÈCLES AV. J. C.

possédons ne donnent pas une haute idée de ce que devaient être ceux que nous n’avons plus. Nicandre, qui florissait vers le milieu du deuxième siècle avant J. C., était prêtre d’Apollon à Claros en Ionie, et passait pour un habile médecin en même temps que pour un bon poëte. Ses deux poëmes, intitulés l’un Thériaques, l’autre Alexipharmaques, sont de la médecine versifiée et non point de la poésie. Il énumère, dans le premier, les animaux venimeux, dans le second les divers poisons qui peuvent s’ingérer avec les aliments, et les contre-poisons par lesquels on peut combattre leurs ravages. Une série de sèches descriptions, c’est à peu près tout ce qu’on trouve chez Nicandre. Aratus s’est donné quelquefois carrière, et a oublié l’astronomie pour la poésie ; mais Nicandre n’oublie pas un instant qu’il est médecin, et il fait œuvre, sauf le mètre, la langue poétique et les épithètes, de disciple d’Hippocrate et non de disciple d’Homère.


Méléagre.


Méléagre du moins est un poëte. Il vivait quelque temps après Nicandre, et il était né à Gadares dans la Syrie. On croit que ce poëte ne fait qu’un avec le philosophe cynique du même nom, qui avait composé des satires en prose. La nature de quelques-unes de ses épigrammes ne dément pas l’opinion qui le range parmi les hommes de l’école de Diogène. Il avait les passions vives, mais autre chose que de la délicatesse dans les goûts. Les petites pièces qu’on a de lui ne sont pas sans mérite, surtout par rapport au temps où il a vécu. A part un certain luxe de synonymes et d’épithètes, on ne peut pas lui reprocher de bien graves défauts ; j’entends au point de vue de la poésie, non à celui de la morale. Il a du mouvement, de la grâce, et il ne manque pas trop de naturel. Sa description du printemps serait une charmante idylle, si l’on en pouvait retrancher quelques mots surabondants, quelques images hasardées. Méléagre mérite une place à côté de Bion et de Moschus, ou, si l’on veut, à peu de distance au-dessous d’eux. Ce poëte, dont les vers sont un des ornements de l’Anthologie, est le premier Grec qui ait eu l’idée