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ÉCRIVAINS DES DEUX DERNIERS SIÈCLES AV. J. C.

Romains l’emportèrent, et Polybe fut un des otages qu’ils emmenèrent avec eux pour s’assurer de la fidélité de leurs sujets. C’est en 166 qu’il vint à Rome ; et son exil dura de longues années. Scipion Émilien sut apprécier dignement le mérite de Polybe. Il le traita comme un ami ; il en fit son conseiller, son compagnon inséparable. Polybe était à ses côtés lorsqu’il entra dans Carthage vaincue. Cette illustre amitié servit à son tour le héros achéen dans l’exécution du grand dessein qu’il avait conçu dès les premiers temps de son séjour en Italie. Il se proposait d’écrire l’histoire des conquêtes de Rome, et de faire comprendre à ses concitoyens pourquoi un petit peuple du Latium, si longtemps inconnu des Grecs, avait dû finir par commander au monde. On lui permit de consulter les archives de l’État, et d’y puiser tous les renseignements dont il avait besoin. On s’empressa à l’envi de lui fournir des matériaux. On le laissa voyager en Égypte, en Gaule, en Espagne et dans d’autres contrées, pour compléter ses recherches.

Au bout de plusieurs années, Polybe mit la dernière main à son ouvrage, et le publia sous le titre d’Histoire générale. C’était en effet l’histoire générale du monde, durant la période qui avait suffi à Rome pour en faire la conquête, ou du moins pour abattre tous les ennemis capables de lui disputer l’empire : « Y a-t-il un homme, dit Polybe dans son préambule, assez frivole ou indolent pour ne pas se soucier de connaître comment, et par quelle sorte de politique, presque tous les pays de la terre habitée furent soumis en moins de cinquante-trois ans, et n’eurent plus que les Romains pour maîtres[1] ? Le demi-siècle dont parle Polybe est le temps qui s’écoula depuis le commencement de la deuxième guerre Punique jusqu’à la défaite du roi Persée : « Avant cette époque, dit encore Polybe[2], les événements du monde étaient comme disséminés… Mais, à partir de là, l’histoire commence à former comme un corps : les événements de l’Italie et de l’Afrique s’enlacent avec ceux qui se passent en Asie

  1. Polybe, Histoire générale, livre I, chapitre iv.
  2. Id., ibid., livre I, chapitre iii.