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CHAPITRE III.

qu’un des échos du scepticisme historique du dernier siècle. On conçoit que ceux qui niaient l’authenticité du Pentateuque aient appliqué leurs théories aux œuvres de l’antiquité profane. Pour eux la civilisation n’était dans le monde qu’une nouvelle venue ; l’histoire du haut Orient n’était que fables, et les monuments du génie des vieilles races qu’impudentes supercheries de faussaires. Les merveilles mêmes de l’Égypte des Pharaons ne les pouvaient convaincre que l’humanité eût depuis longtemps le don de faire de grandes choses. Nous n’en sommes plus, grâce à Dieu, à cette critique misérable qui retranchait aux pyramides de Memphis deux mille ans de leur existence ; qui soutenait que Manéthon, Sanchoniaton et Bérose étaient des noms sans réalité, et leurs ouvrages, tant cités par les historiens, des contes imaginés à plaisir et jetés en pâture à la crédulité des lecteurs. Nous avons vu sortir du néant Ninive disparue depuis vingt-cinq siècles, et nous avons contemplé les œuvres de l’art assyrien. Nous savons la date des pyramides et de monuments bien plus anciens que les pyramides mêmes. Nous pouvons lire de nos yeux, toucher de nos mains des papyrus, je dis parfaitement authentiques, couverts d’une écriture très bien formée, et qui sont antérieurs de plus de mille ans à la naissance de Moïse. Le système d’écriture n’importe nullement : ce sont des manuscrits. Aussi Moïse nous paraît-il quelque peu moderne, eu égard à cette prodigieuse antiquité. Qu’est-ce donc d’Homère, qui a dû vivre si longtemps après Moïse ? Et si Moïse, l’homme du désert, le chef d’une race errante, a laissé des écrits, et non pas seulement une tradition orale, comment peut-on affirmer que, cinq siècles et plus après Moïse, chez une nation où florissaient les arts, fixée de tout temps dans des villes, en relation avec tous les peuples du monde alors connu, couvrant de ses établissements en Grèce et en Asie une étendue de côtes immense ; comment, dis-je, a-t-on bien le courage de soutenir que, chez ces Grecs si, cultivés déjà, et même si admirablement civilisés, l’art le plus indispensable de la civilisation était ignoré, non pas seulement des hommes du vulgaire, mais des hommes qui faisaient profession de la