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HOMÈRE.

presque pardon à Dieu d’avoir pu croire d’abord qu’il y avait eu un véritable Homère ? N’avons-nous pas entendu le célèbre érudit Fauriel, en pleine Sorbonne, enseigner et même exagérer le wolfianisme ? Ne lisons-nous pas tous les jours, dans des Revues littéraires, même dans des dissertations savantes, qu’il n’y a plus guère que les pauvres d’esprit qui se figurent qu’un certain poëte, nommé Homère, ait conçu et exécuté l’Iliade et l’Odyssée ? Il reste, pour ainsi parler, des doutes dans l’air, à propos de la personne d’Homère et du caractère des poésies homériques. Il faut donc, avant tout, prouver qu’Homère n’est pas simplement un nom ; c’est-à-dire qu’il faut prouver que les épopées homériques sont des poëmes dans toute la force du terme, faits de main d’ouvrier, et composés, comme disait Fénelon, par un effort du génie d’un grand poëte. Les assembleurs de nuages ont si bien fait, qu’il est indispensable, de notre temps, de démontrer ce qui était, dans un autre siècle, l’évidence même, ce qui servait à démontrer Dieu. La tâche, heureusement pour moi, est des plus faciles. Il suffit de faire le sommaire exact de l’Iliade et de l’Odyssée, et de conter naïvement ces deux poëmes, comme des histoires merveilleuses dont on n’aurait retenu que les principaux traits. C’est ce que sentent très-bien Wolf et les siens : aussi se sont-ils toujours abstenus de rappeler à notre mémoire, par un fidèle exposé, l’ordre et la succession des parties dont les deux épopées se composent. Ils jugent la peinture, comme dit spirituellement M. Ernest Havet, sur une déposition de témoins, sur le vu de je ne sais quelles pièces procédurières, et ils refusent la confrontation du tableau lui-même.


Analyse de l’Iliade.


L’Iliade commence au moment où éclate la querelle entre Agamemnon et Achille. Irrité de l’enlèvement de Briséis sa captive, Achille se retire sur ses vaisseaux, et se condamne à une absolue inaction. Il appelle, par l’intermédiaire de sa mère Thétis, la colère du maître des dieux sur l’armée tout entière. Jupiter abuse Agamemnon par de fausses espérances,