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CHAPITRE L.

quelquefois que des harangues d’apparat, des panégyriques d’empereurs, des pièces de chancellerie, et non pas des monuments littéraires. Mais la plupart roulent sur des objets d’une importance éternelle, et n’ont rien perdu, même aujourd’hui, de leur intérêt et de leur à-propos. Voyez, par exemple, avec quelle vigueur de bon sens et de raison il s’adresse à l’empereur Valens, pour lui recommander la tolérance religieuse[1] : « Il est des bornes où expire le pouvoir de la force. Les décrets et les colères des rois sont forcés d’avouer la liberté des vertus, et, par-dessus tout, du sentiment religieux. On commande, on impose les opérations du corps ; mais aux sentiments du cœur, aux actes et aux dispositions de la pensée appartiennent l’indépendance et la souveraineté… Un despotisme insensé a déjà osé cette violence sur les hommes, et, méprisant leurs résistances, a prétendu imposer à tous les opinions d’un seul ; mais il aboutit à ceci, que tous, en face des supplices, dissimulaient leurs sentiments véritables sans se convertir à sa doctrine… Ce qui est hypocrite ne saurait durer : or, une religion née de la crainte, et non de la volonté, qu’est-ce autre chose qu’une hypocrisie ? Dieu a déposé l’idée de sa divinité au fond de toute âme, même de celle du sauvage et du barbare ; et cette idée est si souveraine en nous, que la violence et la persuasion ne peut rien contre elle. Quant à la manière de l’exprimer, il l’a laissée à la volonté de l’homme. En appeler à la force contre la conscience, c’est donc entrer en guerre avec Dieu, puisqu’on essaye d’arracher aux hommes un pouvoir qu’ils tiennent de Dieu même… C’est la variété des opinions religieuses qui a nourri et développé la piété ; c’est elle qui l’entretiendra éternellement. Les coureurs, dans le stade, se dirigent tous vers le même juge, mais ceux-ci d’un côté, ceux-là d’un autre : de même, au terme de notre vie, il est un juge unique, souverain et juste ; mais différentes routes mènent à lui, routes tortueuses, droites, rudes, planes, qui toutes se réunissent au même lieu de repos. L’ardeur et l’émulation des athlètes s’éteindraient sans cette multiplicité des chemins : intercep-

  1. C’est dans le douzième Discours.