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ÉCOLE D’ATHÈNES.

sanguinaire, hypocrite, efféminé, couvert de crimes, méritait peut-être moins de ménagements encore. La satire contre les habitants d’Antioche, intitulée Misopogon, c’est-à-dire l’ennemi de la barbe, n’est guère moins pleine de sel et d’agrément. Toutefois on éprouve une sorte de sentiment pénible en voyant le maître de l’univers commettre la majesté impériale dans l’ironie et l’invective, parce que les Galiléens d’Antioche se sont moqués de ses prétentions philosophiques, et de son costume négligé, et de sa barbe mal peignée, et de ses manières brusques et sans dignité. Mais c’est là surtout, c’est dans les aveux qu’il ne peut s’empêcher de faire lui-même, qu’on aperçoit le plus visiblement quel était alors l’état général des âmes, et combien le paganisme décrété par ordonnance répondait peu aux instincts et aux besoins des peuples : « Vers le dixième mois, arrive l’ancienne solennité d’Apollon ; et la ville devait se rendre à Daphné, pour célébrer cette fête. Je quitte le temple de Jupiter Casius, et j’accours, me figurant que j’allais voir toute la pompe dont Antioche est capable. J’avais l’imagination remplie de parfums, de victimes, de libations, de jeunes gens revêtus de magnifiques robes blanches, symboles de la pureté de leur cœur ; mais tout cela n’était qu’un beau songe. J’arrive dans le temple, et je n’y trouve pas une victime, pas un gâteau, pas un grain d’encens. J’en suis étonné ; je crois pourtant que les préparatifs sont au dehors, et que, par respect pour ma qualité de souverain pontife, on attend mes ordres pour entrer. Je demande donc au prêtre ce que la ville offrira dans ce jour si solennel : « Rien, me répondit-il ; voilà seulement une oie que j’apporte de chez moi, car la ville n’a rien offert aujourd’hui. »

Les discours et les lettres de Julien prouvent, non moins éloquemment, que la réaction païenne s’était arrêté à la société officielle, et qu’elle n’avait point gagné la grande société de l’empire. Pour donner au polythéisme une apparence de vie, Julien est réduit à prêcher, pour ainsi dire, la contrefaçon du christianisme. Ainsi, dans ses instructions à un gouverneur de la Galatie, il reconnaît que les chrétiens l’emportent en vertus extérieures sur les païens ; et c’est à cette