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HOMÈRE.

fier par une foule d’exemples le mot heureux d’Aristarque : « C’est un cœur ionien qui bat dans la poitrine d’Homère. »


Traditions vulgaires sur la vie d’Homère.


La vie d’Homère est inconnue. Je veux dire qu’il n’existe pas un seul écrit ancien sur lequel on puisse faire le moindre fond pour en établir les détails. Les prétendues Vies d’Homère que nous possédons sont des compilations de fables plus ou moins ingénieuses, ramassées par des auteurs sans critique dans le fatras des grammairiens et des commentateurs des temps de la décadence. Ces récits, quelquefois agréables, souvent ridicules, ne supportent pas l’examen ; et ils n’ont rien, absolument rien, d’historique ni d’authentique. Il faut les laisser aux amateurs de romans et de contes. Tout ce qu’il est permis d’accorder, c’est que le véritable Homère, comme celui de la légende, avait beaucoup voyagé et beaucoup vu, et qu’il avait éprouvé les caprices du sort et l’injustice des hommes. Les traditions, si l’on s’en tient à ces termes, n’ont rien que de naturel et de vraisemblable. La vie d’Homère a dû ressembler à celle des aèdes dont il nous peint lui-même les traits. On dit qu’il devint aveugle dans sa vieillesse, et que, comme Démodocus, il ne cessa, point de chanter jusqu’à son dernier jour. Les sculpteurs et les peintres grecs le représentaient ordinairement sous la figure d’un vieillard vénérable, les yeux éteints, mais le front rayonnant de pensée. Ce n’est point là, sans doute, le fougueux poëte de l’Iliade, le peintre d’Achille et d’Ajax ; mais qui empêche de reconnaître, dans cette noble image, le merveilleux conteur qui filait, au déclin de sa vie, la trame savante des aventures d’Ulysse ? Nous ne connaissons guère que l’Homère aveugle, et c’est celui-là seul que nos artistes aiment à reproduire. Il reste pourtant des monuments antiques où Homère est figuré voyant et jeune, ou du moins dans la force de l’âge : ainsi les monnaies des Smyrnéens ; ainsi certaines médailles contorniates ; ainsi plusieurs des bas-reliefs et des peintures reproduits par Millin dans sa Galerie mythologique. Une surtout de ces représentations m’a frappé. Le