Page:Pilard - Deux mois à Lille par un professeur de musique, 1867.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le matin, la colonne des baigneurs est réunie pour déjeuner à la table d’hôte, colonie de gens de tout âge, de toute condition, plus ou moins souffrant ; chacun s’informe avec intérêt à ses voisins de l’état de leur santé, du degré d’acuité de leurs douleurs et de l’effet produit par le bain ou la douche prise au point du jour ; puis on convient de l’emploi qu’on fera de la journée. Des affiches ornées de gravures placardées aux murs de la salle indiquent les sites les plus pittoresques des environs ; on choisit un but ; les bons marcheurs saisissent le traditionnel bâton du touriste, on loue des calèches pour les invalides, et quelques ânes pour le plus grand amusement des dames et de la jeunesse. Que de culbutes ! que d’éclats de rire ! Un jour même, une de ces entêtées montures entraîna et bien malgré elle sa cavalière dans un cabaret rempli de buveurs. Voyez-vous les gens se levant précipitamment, le verre à la main, et ne sachant où se réfugier pour éviter les ruades d’Aliboron. Mais enfin, on arrive à destination ; on s’assied sur le gazon de la clairière, on y joue aux petits jeux innocents, des ravitailleurs de bonne volonté vont chercher du laitage et des fruits à la ferme voisine, les gens posés et rassis s’enfoncent dans le bois pour pêcher les truites et les écrevisses qui abondent dans le ruisseau ; souvent un amateur de trompe de chasse fait retentir les échos de la feuillée ; puis on revient tout gaîment, à petit pas, en causant, pour l’heure du dîner.

« Nous comptions parmi nous un certain nombre de musiciennes ; aussi, le repas fini, on organisait dans le salon un concert qu’on faisait suivre d’un bal auquel prenait part tout le personnel ingambe de la colonie. Rien de plus agréable que ces soirées intimes qui réunissent tous les âges et où ne règne d’autre étiquette que la simple politesse. Malheureusement un nuage venait assombrir le tableau : Parmi nos virtuoses se trouvait une demoiselle qui interprétait avec succès la sonate et le rêveur Chopin, mais qui n’entendait goutte à la musique