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perles noires


 Tout est à moi, pouvant tout détruire. La plaine
Qui se couche féconde et dort paisiblement,
Les chaumières, les blés s’inclinant sous l’haleine
De la brise, les bourgs et les villes armant
En vain leurs bataillons, si j’écoutais ma haine,
Ne seraient bientôt plus qu’un vaste embrasement.
 
 Comme jadis l’ogresse allait à la nuit brune
Saisir les voyageurs dans ses puissantes mains,
Avec mes lourds obus je broierais les humains.
Ce pays reverrait une pire infortune ;
Et les femmes le soir hurleraient à la lune,
Appelant leurs amants couchés sur les chemins.
 
 Avant de dévorer les chairs encore chaudes,
Mon regard chercherait les mourants les plus beaux,
Et, j’irais leur donner, sur le lit des tombeaux,
Le suprême baiser des joyeuses ribaudes,
Qui suivaient les soldats, au bon temps des maraudes,
Comme une bande énorme et sombre de corbeaux.

 À moi celui qui porte un galon sur sa manche,
À moi le fusilier qui tombe dans le rang,