Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/115

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deux derniers principes, qui conservent leurs droits bien ou mal appliqués, les louanges d’aujourd’hui ne partent guère que de l’intérêt. On loue tous ceux dont on croit avoir à espérer ou à craindre ; jamais on n’a vu moins d’estime et plus d’éloges.

À peine le hasard a-t-il mis quelqu’un en place, qu’il devient l’objet d’une conjuration d’éloges. On l’accable de complimens, on lui adresse des vers de toutes parts ; ceux qui ne peuvent percer jusqu’à lui se réfugient dans les journaux. Quiconque recevroit de bonne foi tant d’éloges, et les prendroit à la lettre, devroit être fort étonné de se trouver tout à coup un si grand mérite, d’être devenu un homme si supérieur. Il admireront sa modestie passée qui le lui auroit caché jusqu’au moment de son élévation. On n’en voit que trop qui cèdent naïvement à cette persuasion. Je n’ai presque jamais vu d’homme en place contredit, même par ses amis, dans ses propos les plus absurdes. Comme il n’est pas possible qu’il ne s’aperçoive quelquefois de cet excès de fadeur, je ne conçois pas que quelqu’un n’ait jamais imaginé d’avoir auprès de soi un homme uniquement chargé de lui rendre, sans délation particulière, compte du jugement public à son égard. Les fous, que les princes avoient autrefois à leur cour, suppléoient à cette