Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le même moule. Il n’y a guère d’éloge dont on pût deviner le héros, si le nom n’étoit en tête. On n’y remarque rien de distinctif ; on risqueroit, en ne voyant que l’ouvrage, d’attribuer à un prince ce qui étoit adressé à un particulier obscur. On pourroit, en changeant le nom, transporter le même panégyrique à cent personnages différens, parce qu’il convient aussi peu à l’un qu’à l’autre.

C’étoit ainsi qu’en usoient les anciens à l’égard des statues qu’ils avoient érigées à un empereur. S’ils venoient à le précipiter du trône, ils enlevoient la tête de ses statues, et y plaçoient aussitôt celle de son successeur[1], en attendant qu’il eût le même sort. Mais tant qu’il régnoit, on le louoit exclusivement à tous ; on se gardoit bien de rappeler la mémoire d’aucun mérite qui eût pu lui déplaire : Auguste même inspiroit cette crainte à ses panégyristes. On est fâché, pour l’honneur de Virgile, d’Horace, d’Ovide, et autres, que le nom de Cicéron ne se trouve pas une seule fois dans leurs ouvrages. Ils n’ignoroient pas qu’ils auroient pu offenser l’empereur : c’eût été lui rappeler avec quelle ingratitude il avoit abandonné à la proscription le plus vertueux citoyen de son parti.

Quoique ce prince, le plus habile des tyrans,

  1. V. Suétone et Lampridius.