Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/122

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Les lois se sont prêtées à la foiblesse et aux passions, en ne réprimant que ce qui attaque ouvertement la société : si elles étoient entrées dans le détail de tout ce qui peut la blesser indirectement, elles n’auroient pas été universellement comprises, ni par conséquent suivies : il y auroit eu trop de criminels, qu’il eût quelquefois été dur, et souvent difficile de punir, attendu la proportion qui doit toujours être entre les fautes et les peines. Les lois auroient donc été illusoires ; et le plus grand vice qu’elles puissent avoir, c’est de rester sans exécution.

Les hommes venant à se polir et s’éclairer, ceux dont l’âme étoit la plus honnête, ont suppléé aux lois par la morale, en établissant, par une convention tacite, des procédés auxquels l’usage a donné force de loi parmi les honnêtes gens, et qui sont le supplément des lois positives. Il n’y a point, à la vérité, de punition prononcée contre les réfracteurs, mais elle n’en est pas moins réelle. Le mépris et la honte en sont le châtiment, et c’est le plus sensible pour ceux qui sont dignes de le ressentir. L’opinion publique, qui exerce la justice à cet égard, y met des proportions exactes, et fait des distinctions très-fines.

On juge les hommes sur leur état, leur éducation, leur situation, leurs lumières. Il semble