Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/124

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suffisante, puisqu’un crime constaté par des lettres de grâce flétrit toujours moins que le châtiment. On le remarque principalement dans l’injustice et la bizarrerie du préjugé cruel qui fait rejaillir l’opprobre sur ceux que le sang unit à un criminel ; de sorte qu’il est peut-être moins malheureux d’appartenir à un coupable reconnu et impuni, qu’à un infortuné dont l’innocence n’a été reconnue qu’après le supplice.

La vraie raison vient de ce que l’impunité prouve toujours la considération qui suit la naissance, le rang, les dignités, le crédit ou les richesses. Une famille qui ne peut soustraire à la justice un parent coupable, est convaincue de n’avoir aucune considération, et par conséquent est méprisée. Le préjugé doit donc subsister ; mais il n’a pas lieu, ou du moins est plus foible, sous le despotisme absolu et chez un peuple libre ; par-tout où l’on peut dire : Tu es esclave comme moi, ou je suis libre comme toi. Le pouvoir arbitraire chez l’un, la justice chez l’autre ne faisant acception de personne, font des exemples dans des familles de toutes les classes, qui par conséquent ont besoin d’une compassion réciproque. Qu’il en soit ainsi parmi nous, les fautes deviendront personnelles, le préjugé disparoîtra : il n’y a pas d’autre moyen de l’éteindre.