Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/134

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Les éloges qu’on donne à de certaines probités, à de certaines vertus, ne font que le blâme du commun des hommes. Cependant on ne doit pas les refuser ; il ne faut pas rechercher avec trop de sévérité le principe des actions quand elle tendent au bien de la société. Il est toujours sage et avantageux d’encourager les hommes aux actes honnêtes : ils sont capables de prendre le pli de la vertu comme du vice.

On acquiert de la vertu par la gloire de la pratiquer. Si l’on commence par amour-propre, on continue par honneur, on persévère par habitude. Que l’homme le moins porté à la bienfaisance vienne par hasard, ou par un effort qu’il fera sur lui-même, à faire quelqu’action de générosité, il éprouvera ensuite une sorte de satisfaction, qui lui rendra une seconde action moins pénible : bientôt il se portera de lui-même à une troisième, et dans peu la bonté fera son caractère. On contracte le sentiment des actions qui se répètent.

D’ailleurs, quand on chercheroit à rapporter des actions vertueuses à un système d’esprit et de conduite plutôt qu’au sentiment, l’avantage des autres seroit égal, et la gloire qu’on voudroit rabaisser ne seroit peut-être pas moindre. Heureuse alternative, que de réduire les censeurs à l’admiration, au défaut de l’estime !