Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/153

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qui produisent le plus d’illusions, ont toujours un côté ridicule qui devroit empêcher d’en être fort flatté. Cependant on voit quelquefois employer les mêmes manœuvres par ceux qui auroient assez de mérite pour s’en passer.

Quand le mérite sert de base à la réputation, c’est une grande maladresse que d’y joindre l’artifice, parce qu’il nuit plus à la réputation méritée, qu’il ne sert à celle qu’on ambitionne. Si le public vient à reconnoître ce manége dans un homme qui d’ailleurs a des talens, et tôt ou tard il le reconnoît, il se révolte, et dégrade la gloire la mieux acquise. C’est une injustice ; mais il ne faut pas le mettre en droit d’être injuste. L’envie, à qui les prétextes suffisent, s’applaudit d’avoir des motifs, les saisit avec ardeur, et les emploie avec adresse. Elle ne pardonne au mérite que lorsqu’elle est trompée par sa propre malignité, et qu’elle croit remarquer des défauts qui lui servent de pâture. Elle se console en croyant rabaisser d’un côté ce qu’elle est forcée d’admirer d’un autre ; elle cherche moins à détruire ce qu’elle se flatte d’outrager.

Une sorte d’indifférence sur son propre mérite est le plus sûr appui de la réputation ; on ne doit pas affecter d’ouvrir les yeux de ceux que la lumière éblouit. La modestie est le seul éclat qu’il soit permis d’ajouter à la gloire.